Depuis plusieurs mois, le M23 ne se contente plus de gagner du terrain en République démocratique du Congo (RDC), il s’accapare aussi l’un des nerfs de la guerre : l’exploitation des ressources minières. En avril, le groupe rebelle a soutenu le Rwanda à la prise du contrôle de Rubaya, la plus grande mine de coltan de la région des Grands Lacs, s’octroyant ainsi un levier économique puissant.
Face à cette mainmise grandiose, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a exhorté mardi le Conseil de sécurité de l’ONU à imposer des sanctions immédiates, réclamant un embargo total sur les exportations de minerais étiquetés comme rwandais, notamment le coltan. et l’or . Une mesure jugée nécessaire pour stopper un commerce illicite qui alimente le conflit à l’Est du pays.
Un pillage organisé et une économie parallèle
Le dernier rapport des experts de l’ONU, publié en janvier 2025, révèle l’ampleur du système mis en place par le M23 pour exploiter les richesses minières. À Rubaya, qui représente 15 % de la production mondiale de coltan , le groupe se rebelle a instauré une administration parallèle. Celle-ci délivre des permis aux creuseurs et opérateurs en échange de taxes , impose ses propres circuits de vente et contrôle la route commerciale menant au Rwanda. Le coltan congolais y est ensuite frauduleusement intégré aux exportations rwandaises, brouillant les pistes pour les acheteurs internationaux.
Selon les experts de l’ONU, près de 120 tonnes de coltan congolais passent ainsi sous contrôle du M23 chaque mois , générant environ 800 000 dollars de revenus mensuels en paiements et taxes pour le groupe armé. Pendant ce temps, la province du Nord-Kivu subit des pertes estimées à 7 millions de dollars par mois , un gouffre économique pour une région déjà fragilisée par des décennies de conflits.
Un conflit qui dépasse les frontières
La situation en RDC illustre une fois de plus l’implication du Rwanda dans le commerce illégal des minéraux . Alors que Kigali a toujours nié tout soutien au M23, la déclaration récente de Vincent Karega, ambassadeur itinérant rwandais pour les Grands Lacs, a jeté un froid : « La progression du M23 continue vers le Sud-Kivu. » Une affirmation perçue comme une reconnaissance implicite du rôle de Kigali dans l’avancée du groupe rebelle.
Si les sanctions réclamées par Kinshasa seront définitivement adoptées, elles pourraient frapper directement l’économie rwandaise , largement dépendante de l’exportation de minerais. Reste à savoir si la communauté internationale, souvent accusée de passivité face aux conflits dans la région, prendra enfin des mesures concrètes.
En attendant, le M23 continue d’étendre son contrôle, à la fois sur le terrain et sur les ressources stratégiques de la RDC, laissant craindre une escalade encore plus violente dans les mois à venir.